Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

Chapitre 11

 

Lorsque je l'ai retrouvée, Karine était « éteinte ».

Elle habitait un F2 à Vigneux sur Seine, banlieue mal famée s' il en est. Depuis que je l'avais quittée, il y a quinze ans, la ville s'était dégradée.

La violence perçait dans les regards. Les communautarismes y étaient exacerbés et on y brûlait des drapeaux français les soirs de coupe du monde de foot. Le deal faisait vivre une partie de la population et précarisait la majorité des jeunes. 

Lorsque j'y travaillais la ville était moins anxiogène.

 

Seule avec sa fille, Karine s'était repliée sur elle même.

II ne restait plus que l'ombre de la jeune femme que j'avais connue en 1992 Nous avons passé de nombreuses nuits à discuter sur « MSN ». Elle me racontait ses angoisses, j'écoutais patiemment ses problèmes, cela rendait mes semaines moins vides et moins dénuées de sens. J'avais trouvé une «  occupation » : essayer de la sortir de sa dépression.

Elle passait ses nuits sur des sites internet à chercher un peu de chaleur humaine. 

Sous la domination de ses sœurs qui l'aidaient à survivre financièrement, pour qu'elle s'occupe de leur mère, elle avait fini par perdre toute estime d'elle même.



A force de discuter, nous avons fini par nous rapprocher et de fil en aiguilles... 

Vint le jour où à force d'échanges, nous avons décidé de tenter l'aventure. Elle commençait à sortir de son apathie et je retrouvais la fille intéressante et rigolote que j'avais connue dans le passé. 

Vous vous êtes tout de suite entendus. Elle se mettait instinctivement en retrait lorsqu'il le fallait pour ne pas déstabiliser notre relation père- fils, se montrait prévenante et paraissait sous ton charme. Elle était nostalgique du temps béni à ses yeux où sa fille avait ton âge et regrettait les balades dans les parcs et le monde de l'enfance. 

Après ton départ chez ta mère pour les vacances d'été, elle est arrivée à la maison avec sa fille Estelle pour voir si la cohabitation était possible... 

Comment te décrire ce qui s'en suivit ?

 

La mère était aux anges de quitter son « ghetto » afin de donner un cadre plus serein à sa fille, qui pour sa part ne rêvait que de rester sur Vigneux pour être avec ses copains. 

Estelle a passé son temps à s'opposer à tout, squattant le canapé et l'ordi pour discuter avec ses amis.

Au début je pensais naïvement qu'il lui fallait un petit temps d'adaptation et qu'elle verrait bientôt les avantages de cette cohabitation. 

Je ne savais pas à l'époque qu'elle avait une emprise malsaine sur sa mère, jouant sur son sentiment de culpabilité pour obtenir ce qu'elle voulait. 

Les jours passaient entre canapé et chambre d'Alban, le petit monstre était indécrottablement vissé à l'appartement et n'en bougeait pas. 

Il a fallu attendre quinze jours avant la première douche !

Aller chercher le pain pour sortir un peu et rencontrer d'autres ados,

Pas question... 

Sortir ?« même pas en rêve ! 

La fille s'opposait et la mère me répondait invariablement «  C'est une ado » c'est normal, ils sont tous comme ça ! 

Malgré la tension qui montait et l'atmosphère pesante qui s'installait entre Estelle et moi, Karine ne voyait rien, trop contente d'être à la maison. Elle ne se rendait pas compte que sa fille était entrée dans une guerre de tranchée contre notre projet de vie commune. Lentement mais sûrement elle détruisait les rêves que nous avions fait.

 

Mais s'il y avait une chose que je ne permettrais pas, c'est que cette ado revêche ait une influence détestable sur toi. Elle avait un langage fleuri et les efforts de sa mère pour la faire parler de façon plus classique ne portaient pas leurs fruits ! 

De plus son hygiène calamiteuse ne serait pas vraiment un bon exemple.

Le petit monstre était malin et retors. Elle savait ce qu'elle faisait. Plus elle se montrerait détestable plus vite elle serait de retour dans son Bronks. 

On avançait dans le mois et je me rendais compte que notre projet n'était qu'un rêve. 

Te laisser cohabiter avec une jeune fille manipulatrice qui se servirait probablement de toi pour arriver à ses fins, était impossible à mes yeux. 

C'est donc la mort dans l'âme que nous avons repris chacun la direction de nos maisons respectives La petite chipie avait gagné. 

Entendons nous bien p'tit cœur sans toi je n'aurais fait qu'une bouchée de la demoiselle mais sans toi la vie serait si triste ! 

Ce qui me rendait fou c'est que Karine trinquait pour sa fille. Vous vous entendiez si bien tous les deux, c'était certainement la femme qui aurait pu trouver sa place à nos côtés.

Nous avons repris notre quotidien tous les deux avec pour ma part un gros sentiment de frustration et de rancune envers cette fillette qui faisait marcher sa mère à la baguette.

 

Septembre arriva avec la rentrée et les occupations qui vont avec. C'est à ce moment là que j' ai commencé à t'attendre dans la voiture pendant que tu allais à l'école. 

J'économisais ainsi l'essence des trajets et te gâtais un peu plus. Je lisais et me baladais dans la ville pour passer le temps. 

Je me sentais mal d'avoir repoussé Karine. 

Mon seul bonheur dans tout cette gabegie, c'était toi, tu te montrais toujours aussi gentil et affectueux avec moi. Notre relation devenait plus forte de jour en jour, et pouvoir faire partie de ta vie valait quelques sacrifices amoureux.

 

C'est à ce moment que j'appris une nouvelle qui aurait dû me bouleverser mais qui me laissait totalement insensible. Mon géniteur venait de mourir. 

C'était un étranger pour moi depuis l'âge de 12 ans.





01/05/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 34 autres membres